vendredi 18 avril 2014

L'obligation de déconnexion : un exemple à suivre pour les entreprises

Obligation de déconnexion de 11 heures consécutives des outils de communication : le bon exemple à suivre de l'avenant à l'accord sur les 35 heures du Syntec pour les salariés des sociétés d'ingénierie et de conseil.
par Caroline Sauvajol-Rialland

Après 7 mois de négociation, le Syndicat des sociétés d'ingénierie et de conseil et des bureaux d'études (Syntec) annonçait la signature le 1er avril 2014 d'un accord avec les syndicats (CGC et CFDT), sous forme d'un avenant à un précédent accord conclu en 1999, sur les 35 heures.

Cet avenant rappelle l'attachement des parties aux droits de la santé et de la sécurité des salariés et impose une "obligation de déconnexion des outils de communication à distance" d'une durée de 11 heures consécutives pour les 250 000 personnes qui sont concernées par l'accord et un suivi médical à l'initiative des salariés afin de "prévenir les risques éventuels sur la santé physique et morale".


Il prévoit que chaque entreprise pourra répondre à cette obligation de déconnexion à sa manière, en fonction de ses contraintes particulières - le travail à l'international notamment. Ainsi, pourront-elles développer individuellement leur propre politique d'application, blocage des communications via les serveurs, par exemple, ou directement pour les salariés à certains horaires. Il ne s'agit donc pas d'un black-out total des communications entre 19 heures et 7 heures du matin...

Pourtant communiquer beaucoup et souvent ne signifie pas forcément communiquer mieux…

"Trou d'information", le courrier électronique est responsable d'une baisse de productivité estimée à 28 % du temps de travail global en même temps que d'une paralysie des processus décisionnels et d'une perte d'innovation et de créativité.

En outre, les deux tiers des cadres disent expérimenter au quotidien le fait de ne pas réussir à rattraper le flot d'informations, de mails, de nouvelles, de lectures… et éprouver un sentiment d'incapacité à suivre, de découragement et de culpabilité.

Les salariés sont aussi confrontés à la peur de la déconnexion et des pannes informatiques, autant de nouvelles formes de vulnérabilité… Pour la première fois, en 2013, une étude française de grande ampleur a prouvé que des conditions de travail éprouvantes pour les nerfs augmentent le risque de crise cardiaque…

Enfin, la surcharge informationnelle est l'une des causes des mauvaises relations entre collègues et est également responsable de la perte de satisfaction au travail, notamment en diminuant les face-à-face directs et les temps morts.

L'information est anxiogène et l'infobésité est une des principales causes du stress, ressenti par 27 % des salariés européens  Elle peut mener les salariés au burn-out. En 2007, les consultations pour risque psychosocial (RPS) sont ainsi devenues la première cause de consultation pour pathologie professionnelle et la pression la principale cause d'incapacité de travail…

Selon le rapport du Centre d'Analyse Stratégique et du Ministère du Travail de février 2012, "la surcharge informationnelle est l'un des principaux problèmes à résoudre pour les organisations dans les 10 prochaines années".

En luttant contre le fléau de l'infobésité, cet accord protège la santé et le bien-être des salariés en même temps qu'il garantit aux entreprises une meilleure performance et productivité. Un exemple à suivre !

Et si les anglais et américains estiment que la France est le pays d'Europe le plus "feignant" et que la presse anglo-saxonne n'a pas manqué d'accentuer ce trait et d'ironiser à l'occasion de la conclusion de l'accord du 1er avril 2014,  il n'en reste pas moins vrai qu'il est pourtant celui qui affiche depuis plusieurs années l'une des meilleures productivité au travail du monde en même temps que le plus petit nombre d'heures de travail. Ainsi, si l'on ramène le PIB par habitant à l'heure travaillée, la France est en première position du classement mondial en termes de productivité !

Enfin, si en Europe et en France, plusieurs entreprises ont initié des démarches similaires (Siemens, Intel, Volkswagen, Microsoft France…), la France apparaît pionnière sur l'organisation et les conditions de travail du travail puisque cet accord est applicable sur l'ensemble de la branche professionnelle du Syntec.

Un modèle à suivre donc pour nos voisins anglo-saxons...

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